Entretien avec Jean-Luc Remond

Décembre 2011

Ce livre témoigne d’une expérience vécue, très impliquée, et entraîne le lecteur dans un parcours qui est à la fois géographique et spirituel. Comment as-tu reconstitué tous ces souvenirs ? Qu’est-ce qui a motivé ta décision de les écrire ?

Le fait d'avoir voyagé en prenant le temps de vivre pleinement toutes les expériences. J’étais motivé par le besoin vital d'apprendre et persuadé au plus profond de moi que ceux qui avaient des connaissances allaient répondre à mes interrogations. L'élément déclencheur a été ce phénomène paranormal que j'ai vécu, qui a outre-passé le banal pour m'ouvrir vers un nouvel entendement, magique, merveilleusement naturel, dans toute sa magnificence. Mon voyage a été, à chaque étape, une quête du réel. Tellement riche qu'elle passait au dessus de tout apprentissage acquis jusque-là pour marquer dans mon esprit des jalons indélébiles. J’ai partagé ensuite le récit de mon aventure avec parcimonie, j'ai partagé dans le temps, par bribes, conscient de la complexité de faire rentrer dans l'esprit occidental, une vision qui, si on l'accepte, exige une profonde reconstruction de nos principes, et de nos actions face au vivant dans toutes ses formes. J'ai maintes fois entendu: « Tu devrais écrire un bouquin!… » Il y a des années, quelqu’un, Jean-Christophe, je ne sais pas pourquoi, m'a convaincu, et j'ai répondu OK! Il avait raison, je devais livrer mon expérience à plus de personnes. Comment le faire autrement que par un livre?

Ce travail d’écriture est le premier que tu as entrepris. Comment le texte présent a-t-il été écrit ? (Dans quelles conditions ? Quelles sont les difficultés que tu as rencontrées ? Comment les as-tu résolues ?)

Je ne suis pas maladroit dans pas mal de domaines. Mais mon point faible, depuis l'école primaire a toujours été le français ! Je n'ai jamais été un grand parleur, et encore moins un écrivain… plutôt d'une nature réservée, sauf quand il s'agissait de rigoler de tout ce qui peut se présentait. Je me suis à plusieurs reprises amusé à répondre, pour ce qui est d'écrire un livre sur mon histoire africaine…: « oui! Bien sûr…il me faut juste trouver un nègre…! », en étant persuadé que je ne le ferais jamais. Mais puisque à contrario, j'étais parti dans cette aventure, je me suis lancé à tapoter sur mon ordi, et écrire comme je parlais. Toutes les images successives me revenaient sans difficulté avec même des détails que j'avais occultés. J'écrivais à toute vitesse, de peur que ces détails ne repartent où ils s'étaient temporairement cachés… C'est à la relecture que la réalité de ma faiblesse en français s'est faite criante : j'avais écrit comme un sauvage ! Il y avait à suivre un grand travail de correction de grammaire et de formules… Mais dans l'esprit, on ne fait rien tout seul, et les bonnes personnes se sont présentées à temps pour et par magie, retourner, retrouver et redonner le vrai et juste sens aux mots souvent maladroitement choisis.

Il semble à te lire que l’initiation à laquelle tu as participé est une expérience très décalée par rapport à la vie occidentale dans laquelle il a fallu que tu te réintègres. Comment s’accommode-t-on de ce décalage ?

Ça ne me fait pas peur d'être pris pour farfelu-marginal-illuminé-utopiste…écolo! Je n'ai pas peur non plus depuis le temps de voir autour de moi beaucoup de personnes méfiantes, refroidies par leur interprétation et leur jugement sur mes visions du monde et mon choix de vie. Encore un fois, l'esprit qui travaille en chacun de nous a fait en sorte que je vive ce décalage en harmonie par l'intermédiaire du clown, de la comédie, par cette force invisible qu'est la musique, et que je puisse l'immortaliser par la sculpture, le dessin, autant de moyens d'expression qui puisent leurs sources dans le Sacré.

Que cherches-tu à partager avec les lecteurs qui te lisent ou avec des personnes qui se questionnent quant à leur propre engagement dans le monde?

Je souhaite tout simplement toucher leur sensibilité quant à la réalité du magique, du magnifique, du merveilleux dans tout ce qui est vivant et qui nous entoure : les éléments, la nature, les hommes, les femmes, de toutes les couleurs, la richesse des différences, la sensibilité de tout ce qui est : la faune, la flore, l'eau, l'air, de tout ce qui fait la subtilité, et exorciser le démon et son sortilège qui banalise…!

Le lecteur est entraîné dans la narration d’un parcours initiatique qui est une expérience intime. Comment ressens-tu le fait de livrer à des lecteurs cette intimité ?

Je pense que nous venons tous du même état d'être de conscience. Au fond de chacun, nous connaissons tous la même chose. Ça peut être recouvert d'un épaisse couche d'une autre réalité qui éblouit et nous éloigne de l'essentiel, de nos racines communes. Mais je pense également que dès qu'une de ces choses que nous connaissons comme vrai se présente, au fond de nous-même, nous la reconnaissons et la replaçons à sa juste place pour donner ainsi moins d'importance au paraître, au superficiel.

On sent que cette expérience a été déterminante pour les années qui ont suivi. Comment se manifeste-t-elle encore dans ta vie actuelle ?

Il n'y a pour moi aucune différence sous le ciel africain ou sous le ciel français. Je suis sensible ici comme là bas aux mêmes observations qui sont autant de signes de l'invisible pour le visible. Ce que j'ai appris en Afrique est aussi bon pour ce que je vis en France. Mais ce qui est partagé par tout le monde en Afrique est ici partagé entre ceux qui sont devenus ma famille spirituelle : des amis qui connaissent et qui, pour la plupart, y ont vécu des années durant. J'essaie ici par des textes de chansons, et le livre, de trouver la bonne façon pour toucher sans déranger.

Quelle(s) impression(s) t’a laissée(s) cette première expérience d’écriture ?

Cette expérience d'écriture s'accorde parfaitement à mon expérience initiatique gabonaise. En effet, j'y ai trouvé la magie : le pouvoir de traduire par des signes, des mots, ce qui est apparemment indicible par la parole. On trouve le temps de poser son esprit pour lui laisser la parole dont on devient juste le traducteur. Je me croyais allergique au français, à la littérature, à l'écriture, et je m'aperçois que je deviens passionné de cet art. Contrairement à l'art vocal qui passe, l'art de l'écriture reste…





 
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